Pourquoi et comment rendre les transports écologiques ?

A la 4ème place des secteurs les plus émetteurs, les transports représentent 14% des émissions de CO2 mondiales, après la production d'électricité et de chaleur, l'agriculture et l'industrie. Pour tenter de comprendre les enjeux clés de la transition vers des transports écologiques, on vous propose un petit tour d’horizon.

Pourquoi et comment rendre les transports écologiques ?
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Aujourd'hui, 1,3 milliard de véhicules sont en circulation dans le monde. Ce chiffre impressionnant traduit une réalité : celle de la normalisation de l'usage des transports carbonés dans nos vies sur les dernières décennies, et ce dans la plupart des pays du monde. L'ONU prévoit d'ailleurs que ce chiffre atteigne les 3 milliards de voitures d'ici 2050. Pourtant, la fabrication aussi bien que l'usage de nos modes de transports modernes ne sont pas sans impact, loin de là. Petit tour d'horizon pour tenter de comprendre les enjeux clés de la transition vers des transports écologiques.
 

Le quatrième secteur le plus émetteur dans le monde

Après la production d'électricité et de chaleur, l'agriculture et l'industrie, les transports arrivent à la 4ème place avec 14% des émissions. En France il s'agit même de 30% de nos émissions nationales. Soit notre premier poste d'émissions, et ce malgré notre réseau ferré et notre électricité décarbonée. Dans les deux cas, les émissions correspondent aux gaz à effet de serre émis lors des déplacements, par la consommation de carburants. Ces chiffres ne prennent pas en compte les émissions liées à la production de l'énergie nécessaire (principalement du pétrole), de la production des véhicules et de la construction des infrastructures.
 
Répartition mondiale des émissions de GES par secteur. Source : Time 4 the Planet.
Répartition mondiale des émissions de GES par secteur. Source : Time 4 the Planet.
 
C'est clair, les transports doivent être réinventés pour devenir plus sobres énergétiquement. La question c'est comment ? Innovations technologiques ? Sobriété ? Transports en commun ? Un peu de chaque ? Tout en faisant attention à l’effet rebond, avec lequel une amélioration peut in fine mener à une augmentation des émissions. Décarboner, ce n'est pas simple.
 

Le pied sur l'accélérateur...

Depuis deux siècles, nos vies ont été façonnées par notre capacité croissante à nous déplacer. Et on ne peut pas dire que nos usages actuels en termes de transports incarnent l'idée de sobriété. Nos usages sont croissants, avec toujours plus de kilomètres parcourus chaque année. C'est grâce à un prix de l'énergie, et notamment du pétrole, bas, que nous avons pu nous déplacer toujours plus loin pour toujours moins cher.
 
Ainsi, pour une heure de déplacement quotidien moyen, nous sommes passés de 5km de marche à pieds à 50km dans un véhicule motorisé. Il est devenu courant de voir des gens habiter à 40 minutes de voiture ou une heure de train de leur lieu de travail. Et le faible coût du pétrole, par rapport aux services qu'il nous procure, nous a amenés à développer des moyens peu efficients pour se déplacer : une voiture d'une tonne pour déplacer une personne de 70kg par exemple. La transition au niveau des transports est donc intrinsèquement liée à notre rapport à l'utilisation d'énergie et à sa décarbonation.
 
Evolution des distances moyennes parcourues par jour et par personne en France.
Evolution des distances moyennes parcourues par jour et par personne en France.
 

La voiture individuelle, en tête des émissions

Et cela se retrouve dans les chiffres du Ministère de la Transition écologique. Ce secteur représente 137 millions de tonnes équivalent CO2. Il se décompose selon les types de véhicules ci-dessous (Crédit : Ministère de la Transition Ecologique).
 
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On constate que la majorité des émissions proviennent des véhicules particuliers. Aller travailler, déposer ses enfants à l'école, aller faire ses courses, en utilisant à chaque fois sa voiture. Un usage qui relève d'ailleurs parfois plus du confort que de la nécessité.
 
L’importance des émissions des véhicules particuliers en France se comprend facilement : il y a 38 millions de voitures en circulation en France en 2020 et 98% des Français et Françaises utilisent de l’essence ou du diesel comme carburant, qui émettent beaucoup de CO2. Les voitures électriques ne représentent pour l'instant que 0,4% des voitures en circulation.
 

La problématique du transport aérien

On remarque aussi que seulement 5% des émissions de gaz à effet de serre ne proviennent pas du transport routier, avec 4% pour l'aviation. Mais, attention, ce chiffre bas ne ne veut pas dire qu’il faut bannir la voiture et la remplacer par le jet privé, loin de là !
 
Si le pourcentage d'émissions de l'aviation dans le total reste faible, il faut prendre en compte plusieurs facteurs pour comprendre son impact :
  • Ce moyen de transport a un impact fort sur le budget carbone individuel. Avec les émissions actuelles, il n'est pas compatible d'utiliser régulièrement l'avion et d'espérer atteindre l'objectif de 2 tonnes de CO2 par personne en 2050.
  • Il est majoritairement pris par une minorité d'individus : 50% des vols sont pris par seulement 2% des Français et Françaises ! Si à l’échelle mondiale, on a atteint un maximum avec 200 000 vols en une journée, en comparaison, plus de 15 millions de voitures se déplacent en région parisienne chaque jour…
  • Il faut aussi noter qu'au delà de l'aviation commerciale, il faut se poser la question de la réduction du fret aérien (5% du fret mondial) et de l'aviation privée (2 % des émissions de CO2 du trafic aérien en Europe).
  • Enfin, c'est un secteur en forte croissance au niveau mondial, avec un volume de trafic qui double tous les 15 ans depuis 1970.
 
Le Shift Project a produit le rapport "Voler en 2050" qui analyse les transformations nécessaires du secteur pour le rendre compatible avec l'Accord de Paris et propose notamment de définir un budget carbone au secteur aérien. Parmi les solutions, on retrouve la décarbonation des carburants avec les biocarburants, l'hydrogène et l'électricité qui pourraient se développer à la place du kérosène.
 
Au-delà de l'aviation, ce sont bien tous les secteurs du transport qui doivent mettre en oeuvre leur transition pour atteindre les objectifs de la SNBC, la Stratégie Nationale Bas-Carbone (autrement dit, arrêter de prendre l'avion pour que tout le monde roule tous les jours en SUV ça ne marcherait pas non plus).
 

... ou sur le frein ?

Le secteur des transports va devoir changer (beaucoup). La stratégie nationale bas carbone (SNBC) de la France prévoit que le secteur le plus émetteur du pays, passe de 30% (en 2015) à 0% des émissions en 2050. Avec ces informations, on comprend facilement l'intérêt d'agir sur ce secteur. Pour mieux cerner l’ampleur du défi, regardons le graphe ci-dessous (Crédit : Carbone 4).
 
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Nos dirigeants et dirigeantes veulent engager une transformation profonde de nos transports. Bon, ce n’est pas encore gagné, mais le simple fait d’avoir cette conviction va dans le bon sens. Il n'y a plus qu’à se mettre en mouvement !
 
Surtout quand on sait que le secteur va être l'un des plus impactés par les bouleversements climatiques qu'il contribue lui-même à créer :
  • De plus en plus de sécheresses de fleuves comme c’est arrivé pour le Rhin dernièrement et donc un transport fluvial plus compliqué,
  • Des déformations de rails ou des fontes de goudron liées aux vagues de chaleur,
  • Des inondations d’aéroports ou l'impossibilité pour les avions de décoller par trop forte chaleur.
 
La liste est longue. Tout ça peut avoir comme conséquences une augmentation des coûts d’approvisionnement en cas de pénurie, des coûts de délais à cause des conditions de transports dégradées, ou encore une augmentation des frais d’assurance. D'où la nécessité de penser en même temps la réduction des émissions, et l'adaptation au réchauffement climatique déjà existant. Selon Aurélien Bigo, chercheur spécialiste de la mobilité, il faut pour cela mettre en place trois axes clés :
 
🙅‍♀️ AVOID : Eviter de faire trop de kilomètres tout simplement, il faut accepter d'aller moins loin, moins souvent. C'est la sobriété. Moins on se déplace, moins on aura besoin d'énergie et de véhicules.
 
🚲 SHIFT : Reporter dès que possible nos déplacements vers des modes de transports moins polluants (donc passer de la voiture au vélo par exemple, de l'avion au train, etc). Et vu que la voiture représente plus de la moitié des déplacements de moins de 2km, on a de la marge !
 
⚡️ IMPROVE : Travailler sur le remplissage des voitures en favorisant le covoiturage, la performance énergétique et le poids des véhicules (pour baisser les émissions de CO2) ou les décarboner pour reposer sur des énergies non fossiles.
 
Maintenant que la situation actuelle et l’étendue des problèmes sont dressées, on peut parler solutions. 👇
 

Et si on parlait des solutions pour décarboner les transports ?

Maintenant que l'on sait quel est le problème, la question se pose de savoir comment le résoudre. De nombreux projets existent pour décarboner les transports, mais comment mesurer leur efficacité ? Et comment implanter ces changements suffisamment rapidement pour faire baisser rapidement nos émissions ?
 

La voiture électrique : bonne ou mauvaise idée ?

Eh bien, ça dépend. A ce jour, elle n’est pas toujours une meilleure solution que la voiture thermique (une voiture qui utilise de l'essence). On vous explique.
 
Il y a deux critères à regarder pour juger de la pertinence de ces voitures : la production du véhicule et son utilisation.
 
Parlons d’abord de la production. Quand on produit une voiture électrique, on doit également produire une batterie qui rime avec consommation d’énergie et pollution. La production de la batterie et du moteur consomment 50% d’énergie en plus qu’une voiture thermique notamment car leur construction demande bien plus de matières premières. Et en particulier des métaux rares (lithium, cobalt, nickel). L’extraction de ces métaux a des effets néfastes pour l’environnement (grandes quantités de roches extraites, déversement de produits chimiques dans la nature).
 
A cela, il faut rajouter le recyclage complexe des batteries, une autonomie limitée et un temps de recharge plus long… Pas dingue tout ça. Enfin, le dernier problème de la voiture électrique est... la source d'électricité. Il faut accompagner l'électrification des véhicules d'une décarbonation du mix électrique pour avoir une baisse d'émissions optimale (et éviter ainsi de rouler au charbon).
  • Développer la production d’énergie bas carbone,
  • Améliorer les conditions d’extraction des métaux rares,
  • Recycler les batteries et augmenter leur durée de vie,
  • Diminuer le poids des voitures.
 
En voiture Simone
En voiture Simone

Encourager le report modal & penser l'intermodalité

Le report modal, c’est le transfert d’un trafic de passagers et passagères d’un mode de transport vers un autre mode plus respectueux de l’environnement. Concrètement, cela consiste surtout à utiliser les transports en commun, le train ou des modes de transports actifs (vélo, marche, trottinette électrique) à la place de la voiture individuelle ou remplacer l’avion par le train ou le bus.
 
Ce report pourrait être favorisé par le développement des trains (retour des trains de nuit, nouvelles lignes de métro et de tramway), la gratuité ou quasi-gratuité des transports en commun dans certaines agglomérations et la mise en place de nouvelles pistes cyclables. Le développement du vélo électrique est aussi une très bonne alternative aux scooters et autres motos à essence ou diesel.
 
Pour encourager le report modal, il est aussi possible d’optimiser les liaisons entre les différents moyens de transports (mettre des voies cyclables, des trams ou lignes de bus qui rejoignent des nœuds en périphérie des villes par exemple).
 
C'est l'intermodalité, c'est-à-dire le fait de penser un trajet utilisant plusieurs moyens de transports complémentaires (marche, covoiturage, métro par exemple). Plus les infrastructures seront pensées pour un usage simple des différents modes de mobilité douce (avoir un parking ou de la place dans le train pour y mettre son vélo par exemple), plus il sera facile de décarboner les transports.
 

Optimiser le fonctionnement & l'utilisation des véhicules thermiques

Grosso modo, ça veut dire deux choses :
 
D'abord, il faut baisser drastiquement la consommation d’énergie par voiture en les concevant pour être moins rapides (personne n’a besoin d’une voiture pouvant atteindre 250km/h) et surtout beaucoup plus petites qu’aujourd’hui (et donc beaucoup moins lourdes). En 50 ans, le poids moyen des véhicules a augmenté de 57% et avec la mode des SUV ce n’est pas prêt de s’arranger. Malgré tout ça, la consommation moyenne de ces véhicules a reculé de 26% sur le même laps de temps. La baisse aurait pu être bien plus importante sans ces augmentations de poids et de puissance.
 
Il s'agit aussi d'en optimiser l'utilisation. On pense d'abord à l'auto-partage ou au covoiturage. Ce dernier permet d'augmenter le taux d'occupation des véhicules. Et c'est très important. En France, ce taux est autour de 1,4 personne en moyenne et il diffère selon la distance (il est plus faible sur les courtes distances). Pour les trajets quotidiens domicile-travail par exemple, il ne dépasse pas 1,1. Ça signifie que l’immense majorité du temps, une seule personne se trouve dans le véhicule sur ces trajets.
 
Réussir à augmenter ce taux d'occupation est une des clés de la décarbonation des transports et permettra en plus de réduire les embouteillages et donc de rendre nos villes plus agréables. Raison pour laquelle les collectivités l'encouragent autant. Attention cependant, le recours systématique au covoiturage peut avoir des effets négatifs. La mutualisation des coûts sur les longs trajets en voiture peut sur certains trajets rendre la voiture plus compétitive que le train, parfois bien plus coûteux pour un trajet similaire.
 
L'optimisation des véhicules passe enfin par l’augmentation du taux de chargement des véhicules de logistique. Concernant le taux de chargement des véhicules, celui des poids lourds en France est déjà bon (86%) mais pourrait encore être amélioré, tout comme les véhicules utilitaires.
 

Développer le fret décarboné

Et oui ! On en parle peu, mais une part non-négligeable des émissions mondiales de CO2 liées aux transports est lié au fret (routier, maritime et aérien). Si l'optimisation du chargement est une piste (comme mentionné plus haut), il y en a d'autres. Ces transports nous permettent d'acheminer tous les biens et produits de consommation du quotidien sur des courtes, moyennes et grandes distances. Difficile de s'en passer donc. Mais il est possible pour une partie de ce fret de penser à des alternatives décarbonées comme le fret maritime à voile, le transport ferroviaire ou encore la livraison en vélo cargo en centre-ville.
 
Il y a donc besoin de lancer des grandes politiques d'incitation pour soutenir ces projets, portés par de nombreux acteurs sur le territoire !
 

Attention à l’effet rebond, la sobriété reste une nécessité

Avez-vous déjà entendu parler de l’effet rebond ? Pour rappel, c’est un effet pervers qui annule tous les efforts fournis après la diminution de la consommation d’énergie d’une machine à cause de l’augmentation significative de son utilisation.
 
C’est un risque important dans la transition vers des transports décarbonés. Si demain, on utilise beaucoup plus de véhicules plus performants énergétiquement, beaucoup plus de véhicules électriques… qu’on se déplace encore plus qu’aujourd’hui finalement, alors on risque de perdre les bénéfices liés aux leviers d’action cités précédemment. De la même manière, penser qu’il faut attendre des progrès technologiques ne fait que repousser le problème et diminuer notre marge de manoeuvre.
 
En conséquence, il paraît indispensable de passer par la sobriété, c’est-à-dire de moins se déplacer et de moins déplacer de choses. Ça peut passer par le développement du télétravail, de l’économie circulaire, des circuits courts ou encore l’éco-tourisme local (la France c'est très bien aussi) !
 
Pour résumer : en nous déplaçant et en déplaçant des objets, on émet beaucoup de carbone. On connaît les pistes de solutions, pas toujours parfaites, mais qui vont dans le bon sens pour rendre nos transports écologiques. Il faut aussi savoir s'inspirer des exemples qui ont fait leurs preuves ! Et dans tous les cas, la diminution de nos déplacements semble inévitable et essentielle pour notre planète et pour nous.
 
La police nationale à dos d'âne, ça n'arrivera jamais. Mais imagine quand même.
La police nationale à dos d'âne, ça n'arrivera jamais. Mais imagine quand même.

L'essentiel

Quelle est la part du secteur des transports dans les émissions de carbone en France ? La part du secteur des transports (voitures, camions, trains, avions, bateaux) dans les émissions de dioxyde de carbone en France est de 30%. C'est le secteur le plus émetteur de CO2 du pays.
 
La voiture électrique est-elle écologique ? Sa production demande beaucoup de ressources et émet du CO2 mais elle est bien mieux qu'une voiture à moteur thermique sur le long terme si l'électricité n'est pas issue d'énergies fossiles.
 
Qu'est-ce que l'effet rebond ? C’est un effet pervers qui annule tous les efforts fournis après la diminution de la consommation d’énergie d’une machine à cause de l’augmentation significative de son utilisation.
 

 
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Aurélie

Ecrit par

Aurélie

Responsable impact chez Green-Got