Sommaire
- Pourquoi une loi “industrie verte” ?
- Deux objectifs politiques majeurs
- Un besoin colossal de capitaux
- Assurance‑vie : le réservoir idéal pour financer l’industrie verte
- Un gisement de 2 000 Mds € d’encours
- La logique gouvernementale
- Les mesures phares de la loi pour votre assurance‑vie
- Obligation de gestion pilotée “industrie verte”
- Référencement obligatoire de fonds labellisés
- Devoir de conseil renforcé
- Transparence accrue sur les frais
- Comment sélectionner vos supports “industrie verte” ?
- Vérifier les labels
- Évaluer le score carbone
- Diversifier intelligemment
- Opportunités et risques pour l’épargnant
- Impact macro : ce qui change pour les assureurs et la place de Paris
- Chiffres clés et projections
- Montée en compétences
- Repositionnement concurrentiel
- Effet sur la place de Paris
- Externalités positives
- Conseils pratiques pour optimiser votre contrat
- Nos réponses à vos questions
- Quel est l’impact de la loi Industrie Verte sur mon ancien contrat d’assurance‑vie ?
- Puis‑je conserver un fonds en euros traditionnel et investir quand même dans l’industrie verte ?
- Les rendements des fonds verts sont‑ils inférieurs à ceux des fonds classiques ?
- Comment éviter le greenwashing dans mon contrat ?
Canonical URL
Do not index
Do not index
D’après Selectra, l'assurance vie reste le placement préféré des français avec plus de 1 971 milliards d'euros placés fin mai 2024.
Adoptée à l’automne 2023, la loi Industrie Verte oblige désormais les assureurs à rediriger une partie de leurs colossaux encours vers des projets compatibles avec la transition énergétique : usines de batteries, pompes à chaleur, hydrogène vert, rénovation des chaînes logistiques…
Pour l’épargnant, c’est une occasion inédite de conjuguer performance financière, avantage fiscal et impact environnemental tangible. Encore faut‑il comprendre la mécanique du texte, ses implications concrètes pour votre contrat et les nouveaux outils, mis à votre disposition.
Pourquoi une loi “industrie verte” ?
En bref : cette loi vise à financer simultanément la réindustrialisation de la France et la décarbonation de l’économie en canalisant l’épargne longue, notamment l’assurance‑vie, vers des projets compatibles avec la transition écologique.
Deux objectifs politiques majeurs
Avant d’entrer dans le détail, rappelons que la loi s’articule autour de deux priorités politiques indissociables : regagner en souveraineté industrielle et réduire drastiquement nos émissions de CO2.
- Réindustrialiser les filières stratégiques : batteries, hydrogène, pompes à chaleur…
- Décarboner la production pour respecter l’objectif européen −55 % de CO2 d’ici 2030.
La France ambitionne de créer 40 000 emplois industriels d’ici 2030 tout en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre. Pour y parvenir, l’État mise avant tout sur l’épargne des ménages plutôt que sur l’impôt ou la dette publique.
Un besoin colossal de capitaux
Derrière ces ambitions se dresse une équation financière d’une ampleur inédite : réunir des flux d’investissement massifs, et l’assurance‑vie apparaît comme le levier principal pour relever ce défi.
- 110 milliards d’euros par an d’investissements verts sont nécessaires.
- L’assurance‑vie représente un réservoir de près de 2 000 milliards d’euros, soit la première source de financement mobilisable.
Assurance‑vie : le réservoir idéal pour financer l’industrie verte
Un gisement de 2 000 Mds € d’encours
Avant de mesurer l’impact des mesures gouvernementales, il faut prendre la mesure de ce pactole. Avec près de 2 000 milliards d’euros placés en assurance‑vie, l’épargne des Français dépasse désormais le PIB national : c’est la plus vaste réserve de capitaux privés mobilisable pour soutenir la réindustrialisation bas‑carbone.
- Encours record à fin 2024 : 1 989 Mds € (source : France Assureurs).
- Croissance annuelle moyenne : + 4,2 % sur les cinq dernières années, malgré la crise sanitaire et le resserrement monétaire.
Ce volume se décompose à 68 % en fonds euros sécurisés (garantie en capital + participation aux bénéfices) et 32 % en unités de compte (UC) — une part en hausse constante depuis 2017 sous l’effet de la recherche de rendement et de l’essor des supports thématiques ESG. Autrement dit, plus de 600 milliards d’euros sont déjà placés sur des supports susceptibles d’être réorientés rapidement vers l’industrie verte, tandis que les fonds euros continuent d’offrir la liquidité et la sécurité nécessaires pour rassurer les épargnants.
À titre de comparaison, le plan France 2030 prévoit 54 milliards d’investissements publics sur cinq ans ; l’assurance‑vie pourrait mobiliser la même somme en à peine douze mois si 2,7 % de l’encours était alloué à des projets verts stratégiques.
La logique gouvernementale
Pour convertir ce gisement en moteur de la transition, le législateur s’appuie sur deux caractéristiques clés de l’assurance‑vie :
- Stabilité des flux : la durée moyenne de détention dépasse huit ans, et plus d’un tiers des contrats restent ouverts au‑delà de quinze ans ; cette inertie permet d’investir dans des projets industriels à horizon long sans craindre des rachats massifs.
- Souplesse réglementaire : parce que l’avantage fiscal résulte de la loi, un simple décret ou arrêté peut imposer de nouvelles règles d’allocation (quotas d’actifs non cotés, labels obligatoires) sans toucher au cadre fiscal historique.
Concrètement, le gouvernement dispose donc d’un levier “rapide et indolore” : il peut fixer des quotas progressifs (4 % à 8 % d’actifs non cotés verts), créer des labels ou exiger plus de transparence sur la part verte et les émissions évitées. Cette stratégie encourage les assureurs à diriger la collecte vers des PME industrielles, des fonds de private equity verts ou encore des obligations durables, sans provoquer de fuite des capitaux ni alourdir la dette publique.
En parallèle, les mesures de transparence (affichage du coût total, reporting carbone obligatoire) doivent renforcer la confiance des souscripteurs et limiter tout risque de greenwashing, condition sine qua non pour maintenir la dynamique positive de collecte.
Les mesures phares de la loi pour votre assurance‑vie
Obligation de gestion pilotée “industrie verte”
La gestion pilotée « industrie verte » constitue le bras armé opérationnel de la réforme. Depuis le 24 octobre 2024, tout nouveau contrat doit proposer un mandat labellisé qui flèche une quote‑part minimale d’actifs non cotés verts.
- Quote‑part réglementaire : 4 % pour un profil équilibré, 8 % pour un profil dynamique, avec une clause d’indexation annuelle permettant au ministre de relever ces seuils par simple décret.
- Périmètre des actifs : parts de FCPR/FPCI dédiés à la transition, dette privée climat, infrastructures de batteries ou d’hydrogène, capital‑développement d’ETI régionales bas‑carbone.
- Pourquoi le non coté ? Rendement potentiel de long terme supérieur (+2 à +4 pts/an vs obligations d’État) et financement direct de l’économie réelle sans passer par la Bourse.
- Liquidité encadrée : fenêtres trimestrielles d’arbitrage et fonds euros de repli en cas de rachat anticipé, afin de protéger la solvabilité de l’assureur.
- Reporting extra‑financier : nombre d’emplois créés, tonnes de CO₂ évitées et part de chiffre d’affaires alignée sur la taxonomie publiés semestriellement.
En pratique, l’assureur peut déléguer la poche non cotée à une société de gestion spécialisée ou la gérer en interne, mais le respect de la quote‑part est contrôlé chaque fin d’exercice par l’ACPR.
Référencement obligatoire de fonds labellisés
Pour simplifier la vie des épargnants et éviter le greenwashing, chaque contrat doit désormais référencer au moins un fonds par label d’État.
- ISR (« Investissement Socialement Responsable ») : sélection ESG équilibrée.
- Greenfin : exclusion stricte des énergies fossiles et des activités nuisibles à la transition.
- Label Industrie Verte (prévu pour 2026) : focalisé sur la réindustrialisation décarbonée ; intégration obligatoire dans les 6 mois suivant son lancement.
- Mise à jour continue : l’assureur doit actualiser son catalogue à chaque nouvelle édition ou retrait de label, sous peine de sanction.
- Visibilité renforcée : labels affichés sur l’espace client, les DICI et les bulletins d’adhésion, avec un filtre de recherche dédié.
L’objectif est double : donner un point d’entrée clair aux épargnants et créer une pression concurrentielle entre sociétés de gestion pour obtenir ou conserver ces labels exigeants.
Devoir de conseil renforcé
La loi consacre le principe du conseil continu : l’épargnant bénéficie d’un accompagnement régulier aligné sur ses objectifs et sur l’évolution de la réglementation climat.
- Fréquence minimale : bilan complet tous les 4 ans ; tous les 2 ans si vous recevez déjà des recommandations personnalisées au sens de la DDA.
- Événements déclencheurs : versement > 10 000 €, arbitrage, rachat partiel > 20 % ou changement de situation familiale/professionnelle.
- Contenu du bilan : re‑profilage du risque, rappel des objectifs climat, explication des frais, projection de performance, inventaire de la part verte du portefeuille.
- Traçabilité : compte‑rendu écrit signé et daté remis sous 15 jours, conservé 5 ans et tenu à disposition de l’ACPR.
- Responsabilité : manquement exposant le distributeur à des sanctions disciplinaires et à la réparation intégrale du préjudice subi par l’épargnant.
Ce renforcement vise à aligner l’épargne longue sur un horizon de transition qui, par nature, dépasse les cycles boursiers.
Transparence accrue sur les frais
La réforme fait de la lisibilité des frais la condition de succès de l’orientation verte : un euro d’impact ne doit pas se dissoudre dans les commissions.
- Affichage du TER : coût total exprimé en %/an (frais de gestion, de performance, rétro‑commissions) présenté avant la souscription et dans chaque relevé annuel.
- Simulation avant/après frais : projection de la valeur finale d’un placement de 10 000 € sur la durée recommandée, avec et sans frais.
- Comparatif de référence : performance nette vs un indice climatique ou vs le fonds euros pour évaluer l’intérêt réel.
- Plafonnement des frais de performance : commission dégressive au‑delà d’un rendement absolu cible, ‘high‑water mark’ obligatoire pour éviter le partage de pertes.
- Publication annuelle : frais réels constatés mis en parallèle des frais estimés, écart commenté par la société de gestion.
Cette transparence accrue doit encourager la concurrence et inciter les gérants à optimiser leur structure de coûts pour maximiser l’impact environnemental.
Comment sélectionner vos supports “industrie verte” ?
Vérifier les labels
Choisir un fonds labellisé ne se résume pas à repérer un logo vert ; c’est votre première barrière anti‑greenwashing. Chaque label public est assorti d’un cahier des charges audité tous les ans :
- Label ISR : filtre « best‑in‑class » ou « best‑effort » ; 90 % des émetteurs notés ESG, écart de note ≥ 20 % vs univers initial. Autorise certains fossiles si le plan de transition est crédible – lisez la politique d’exclusion.
- Label Greenfin : exclusion totale des énergies fossiles et du nucléaire ; ≥ 75 % d’entreprises dont l’activité relève directement de la transition, reporting d’impact CO₂ et emplois créés.
- Label « Industrie Verte » (attendu 2026) : ciblera la réindustrialisation décarbonée, exigera un suivi des chaînes d’approvisionnement et des émissions de scope 3.
Évaluer le score carbone
Analysez votre portefeuille sous trois angles complémentaires :
- Intensité carbone (t CO₂e/M€) : visez un score nettement inférieur à l’indice mondial (environ 300 t/M€).
- Trajectoire 1,5 °C : % du portefeuille dont les objectifs SBTi sont validés ; cible environ 75 %.
- Émissions évitées : kilos de CO₂ évités par million d’euros investis, utile pour mesurer le rôle des solutions bas‑carbone.
Limite : les données scope 3 restent lacunaires ; privilégiez les fonds publiant au moins 70 % de couverture.
Diversifier intelligemment
Une allocation climat robuste marie liquidité, croissance et stabilité.
Support | Profil | Horizon | Atouts | Vigilance |
ETF climat Article 9 (indices Paris‑Aligned, Net Zero) | Cœur | ≥ 5 ans | Frais < 0,30 %, diversification mondiale, réduction automatisée de l’intensité carbone | Dépend de la méthodologie d’indice |
Private equity vert (growth, infra, venture) | Satellite | ≥ 8‑10 ans | IRR potentiel 10‑15 %, impact direct, gouvernance active | Illiquidité, tickets d’entrée, courbe en J |
Obligations vertes (use‑of‑proceeds, SLB) | Défensif | ≥ 3 ans | Coupons réguliers, volatilité modérée, financement traçable | Vérifier second‑party opinion, risque de « green default » |
Répartition indicative pour un profil équilibré : 50 % ETF climat, 30 % obligations vertes, 20 % private equity vert (ou 10 % si votre horizon est < 10 ans). Ajustez chaque année en fonction de votre tolérance au risque.
Opportunités et risques pour l’épargnant
- Avantages : potentielle surperformance, diversification, fiscalité attractive, impact mesurable.
- Inconvénients : moindre liquidité du non‑coté, transparence parfois limitée, volatilité des secteurs verts.
Opportunités | Risques |
Surperformance cleantech | Liquidité réduite du private equity |
Diversification hors marchés cotés | Valorisation moins transparente |
Fiscalité inchangée (AV) | Sensibilité aux politiques publiques |
Impact climat tangible | Greenwashing si analyse ESG superficielle |
Impact macro : ce qui change pour les assureurs et la place de Paris
La loi Industrie Verte ne se contente pas de recalibrer des grilles d’allocation ; elle recompose le paysage financier français en profondeur. Les assureurs, premiers collecteurs d’épargne longue, deviennent les chevilles ouvrières d’une politique industrielle ambitieuse, tandis que la Place de Paris consolide son statut de hub européen de la finance durable.
Chiffres clés et projections
- 50 Mds € redirigés vers l’économie réelle d’ici 2030 : soit près de 1 % de l’encours total, matérialisés en fonds propres et dettes privées pour PME/ETI vertes.
- +15 % d’actifs non cotés verts dans les portefeuilles assurantiels d’ici 2027, selon France Assureurs.
- Objectif 5 GW de nouvelles capacités industrielles (batteries, électrolyseurs) financées en partie par les assureurs.
Montée en compétences
- Renforcement des équipes private assets. Les assureurs créent désormais des desks climat, recrutent des analystes extra‑financiers et tissent des partenariats avec des fonds spécialisés, qu’il s’agisse d’infrastructure ou de venture climat.
- Intégration de la data climat. Les directions des risques déploient des outils de modélisation carbone, conduisent des stress tests internes alignés sur un scénario 1,5 °C et homogénéisent leur reporting ESG afin de satisfaire aux exigences européennes.
- Formation massive. Des modules “industrie verte” deviennent obligatoires pour les conseillers en gestion de patrimoine et les réseaux salariés ; les nouvelles compétences sont validées par l’AMF dans le cadre de la certification professionnelle.
Repositionnement concurrentiel
Segment | Risque | Opportunité |
Contrats traditionnels peu verts | Perte de parts de marché, baisse de la collecte, désengagement des jeunes clients | Mise à niveau rapide via labels, communication d’impact |
Assureurs mutualistes | Sous‑dimension des équipes private equity | Créer des fonds communs (club deals) pour mutualiser l’expertise |
Acteurs anglo‑saxons à Paris | Avantage initial sur la gestion d’actifs non cotés | Intensifier la concurrence, attirer des capitaux étrangers |
Effet sur la place de Paris
- Création d’indices et d’ETF climat “made in France”, renforçant la profondeur de marché.
- Attraction de capitaux internationaux : +18 % de flux entrants sur les fonds Article 9 domiciliés en France en 2024‑2025.
- Labelisation de hubs régionaux : parcs industriels bas‑carbone en Hauts‑de‑France et Auvergne‑Rhône‑Alpes devenant pôles d’investissement privilégiés.
Externalités positives
- Emploi : +40 000 emplois industriels directs projetés d’ici 2030, sans compter les emplois indirects chez les sous‑traitants.
- Innovation : boost du capital‑risque climat français (deal flow x2 entre 2022 et 2025).
- Souveraineté : moindre dépendance aux importations stratégiques (lithium, cellules photovoltaïques) grâce au financement de capacités locales.
En somme, la loi Industrie Verte réoriente la boussole stratégique des assureurs : du pur couple rendement/risque vers un triangle rendement/risque/impact. Ce virage, déjà amorcé sous la pression des critères ESG, devient maintenant réglementaire et devrait ancrer durablement la Place de Paris dans le peloton de tête de la finance durable mondiale.
Conseils pratiques pour optimiser votre contrat
Voici quelques actions immédiates que vous pouvez mettre en place :
- Interrogez votre assureur sur les supports labellisés disponibles.
- Activez la gestion pilotée “industrie verte” si votre horizon et d’environ 8 ans.
- Maintenez 30‑50 % en fonds euros pour la liquidité.
- Réarbitrez régulièrement vos plus‑values vers des fonds verts.
Nos réponses à vos questions
Quel est l’impact de la loi Industrie Verte sur mon ancien contrat d’assurance‑vie ?
Les contrats ouverts avant octobre 2024 ne sont pas forcés d’ajouter la gestion pilotée obligatoire, mais la plupart des assureurs mettent leur gamme à jour ; vous pouvez donc migrer gratuitement vers une version « verte » ou souscrire un nouveau compartiment sans perdre l’antériorité fiscale.
Puis‑je conserver un fonds en euros traditionnel et investir quand même dans l’industrie verte ?
Oui : conservez un socle sécurisé (30‑50 %) en fonds euros et placez le solde sur des UC labellisées ou sur la gestion pilotée verte pour diversifier et soutenir la transition.
Les rendements des fonds verts sont‑ils inférieurs à ceux des fonds classiques ?
Depuis 2018, la performance moyenne des fonds actions climat excède de 0,8 point par an celle des indices larges, mais la volatilité est plus forte ; sur 8‑10 ans, ils demeurent compétitifs.
Comment éviter le greenwashing dans mon contrat ?
Vérifiez la part verte alignée sur la taxonomie, le score carbone publié et l’existence d’un label officiel (Greenfin, ISR). Exigez une méthodologie transparente et un reporting climat régulier.